La plus grande préoccupation : la pénurie de logements abordables.boris burgisser
Une enquête mondiale montre que dans la grande majorité des pays, les coûts du logement suscitent de plus grandes inquiétudes qu’en Suisse – et que dans un pays, on vit même sans soucis.
27.09.2024, 18:52
Niklaus Vontobel / ch media
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Le coût du logement est une grande préoccupation dans le monde entier. C’est ce que montre une enquête de la société de conseil Gallup, à laquelle ont participé 38 000 personnes dans 38 pays industrialisés. Selon cette enquête, la moitié des sondés ne sont pas satisfaits de la disponibilité de logements de qualité et à prix abordable, un niveau d’insatisfaction jamais atteint au cours de ces deux dernières décennies. Le Financial Times a titré à ce sujet: «Les inquiétudes concernant le coût du logement atteignent un niveau record dans les pays riches».
Au milieu de tant de mécontentement, la Suisse est-elle une île de bonheur – ou du moins une île sans trop de mécontentement?
C’est ce qu’il semble à première vue. Certes, dans notre pays, 36% des personnes sont insatisfaites par l’offre du logement, soit plus d’un tiers. Mais c’est nettement inférieur à la moyenne de 50% à l’étranger. Seuls six pays sur un total de 38, comme le Danemark ou la Finlande, comptent encore moins de mécontents. Et il n’y a pas eu chez nous de forte augmentation comme à l’étranger. En 2022, la part des insatisfaits était encore plus élevée qu’actuellement (41%) et elle était à peu près la même il y a dix ans.
Il y a donc beaucoup de personnes mécontentes en Suisse, mais leur nombre n’augmente pas chaque année. Dans la plupart des autres pays industrialisés, la situation est bien pire. Pourtant, en Suisse, le mécontentement général aurait pu éclater depuis longtemps. Mais commençons par le début.
Le «rêve américain de la maison individuelle»
C’est en Turquie que la situation est la pire: 75% des personnes interrogées y déclarent que le coût du logement est trop élevé. Ils sont près de 70% en Australie, en Slovénie, au Portugal, en Grèce et au Canada. En Espagne et en Irlande, les insatisfaits sont près de 60%, tout comme aux Pays-Bas et en Nouvelle-Zélande.
Et 58% des personnes interrogées aux Etats-Unis, la plus grande puissance économique du monde, sont insatisfaites par l’offre de logements. Ce n’est pas un hasard si Kamala Harris a promis lors de sa campagne électorale de sauver le « rêve américain de la maison individuelle». A l’autre bout de l’échelle de l’insatisfaction, on trouve le Japon. En comparaison internationale, seulement 19% des personnes considèrent les coûts du logement comme un problème.
Du coté de nos voisins, l’Italie, l’Allemagne et la France comptent moins d’insatisfaits que la moyenne internationale, mais plus que la Suisse. En Allemagne, leur part se situe autour de 40%. En Italie, elle est de 44% et en France de 43%. En revanche, avec 34%, l’Autriche fait partie des rares pays où le coût du logement est moins préoccupant qu’en Suisse.
Le chemin vers le mécontentement diffère d’un pays à l’autre. Dans certains cas, par exemple, en Allemagne, l’insatisfaction reste stable depuis des années. Dans ce pays, elle est longtemps restée en dessous de 20%, avant d’augmenter progressivement dans les années 2010 et de se stabiliser depuis autour de 40%.
Evolution explosive
Aux Pays-Bas, en revanche, l’évolution a été plutôt explosive. Jusqu’à la fin des années 2010, seuls 30% étaient insatisfaits. Mais au cours des six années suivantes, le mécontentement a continué de s’étendre jusqu’à atteindre 63% en 2023. Les Pays-Bas sont donc peut-être l’exemple le plus extrême. Le journal britannique The Guardian a titré qu’ils avaient atteint «la prochaine étape d’escalade dans la crise européenne du logement».
Les tendances qui ont fait du coût du logement la principale préoccupation mondiale ne sont que trop bien connues en Suisse. Dans les pays où il y a beaucoup de mécontents, les loyers ont fortement augmenté. Les prix de l’immobilier ont certes baissé lors du retournement à la hausse des taux d’intérêt, mais ils restent bien plus élevés qu’il y a dix ans.
C’est notamment le cas aux Pays-Bas. Depuis 2015, les loyers y ont augmenté de 20% et les prix des logements de 40% à l’échelle nationale, la hausse atteignant même 50% au plus fort de la crise. C’est ce que montre une analyse du Financial Times des chiffres de l’OCDE. Au Canada, les loyers ont augmenté de 30% et les prix des logements de plus de 40%. Au Portugal, les loyers ont également augmenté de 30% et les prix des logements en propriété de plus de 70%.
L’évolution a été moins extrême jusqu’à présent en Allemagne. Les loyers sont 15% plus élevés qu’en 2015. A leur point culminant, les prix des logements en propriété étaient plus de 40% plus élevés qu’en 2015, et sont restés environ 20% plus chers après un effondrement historique des prix suite au changement de taux d’intérêt. En Suisse, l’évolution a été encore plus douce. Les loyers sont 10% plus élevés qu’en 2015, les prix des logements en propriété près de 30%.
Loyers suisses en hausse de 6%
La Suisse et l’Allemagne ont cependant toutes deux un problème. Ils n’ont certes pas atteint la prochaine étape de mécontentement comme aux Pays-Bas, mais ils en prennent peut-être le chemin. En effet, l’enquête du cabinet de conseil Gallup reflète le niveau d’insatisfaction de 2023 – mais la crise du logement s’est encore aggravée depuis.
- En Allemagne, les milieux économiques ont récemment averti que le nombre de permis de construire était en chute libre, ce qui entraînerait un effondrement de la construction de logements et aggraverait encore la pénurie de logements, qui atteint pourtant déjà un niveau record.
- En Suisse, il n’y a pas si longtemps, les loyers proposés étaient encore en baisse, c’est-à-dire que les bailleurs demandaient en moyenne moins dans leurs annonces. Et il n’y a pas si longtemps non plus, l’offre était excédentaire, même si ce n’était peut-être pas dans les bonnes régions. En tout cas, il y avait autant de logements vides que dans une ville de taille moyenne – ce qui a longtemps fait baisser les loyers demandés.
Mais depuis un an, les loyers augmentent fortement et ils s’emballent même depuis six mois, comme l’a indiqué la banque Raiffeisen. Au premier et au deuxième trimestre de cette année, ils ont augmenté de plus de 6%, une hausse qui n’avait plus été observée depuis plus de trente ans.
L’immense mécontentement face au coût du logement pourrait donc éclater en Suisse, comme aux Pays-Bas il y a quelques années.
Traduit et adapté de l’allemand par Léa Krejci
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