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En matière immobilière, l’acquéreur dispose désormais d’un délai plus long pour agir, mais aussi de deux fondements lui permettant d’exercer des voies de droit à l’encontre du vendeur, et ce, conformément à un amendement du dahir des obligations et des contrats, entré en vigueur depuis sa publication au Bulletin officiel daté du 22 août 2024.
Le dahir n° 1.24.38 vient en application de la loi n°40-24 modifiant l’article 573 du Code des obligations et des contrats (D.O.C), qui porte sur le délai d’exercice de l’action en garantie en matière de vice rédhibitoire ou de défaut de qualité promise. Celui-ci passe d’un an à un délai allant de deux à cinq ans.
Le premier est un délai de garantie qui commence à courir à partir du moment de la réception de la chose vendue, tandis que le second concerne les contrats viciés par dol, erreur, violence ou lésion, et commence à courir dès la conclusion de la vente. C’est ce qu’explique à Médias24, Meriem Benis, professeure de droit à l’Université Hassan II de Casablanca, qui estime que ces nouveaux délais permettent de “répondre favorablement aux intérêts de l’acheteur”.
Un délai d’action plus long
Le Pr Benis rappelle le contenu de l’article 573 du D.O.C avant cet amendement. Celui-ci disposait que “toute action résultant des vices rédhibitoires, ou du défaut des qualités promises, doit être intentée, à peine de déchéance, pour les choses immobilières, dans les 365 jours après la délivrance.
“La nouvelle mouture de l’article susvisé, amendée par le législateur marocain, prévoit désormais, en matière immobilière, un délai plus long, pour l’exercice de l’action résultant des vices rédhibitoires ou du défaut de qualités promises”, explique-t-elle.
Aux termes des nouvelles dispositions, “toute action résultant des vices rédhibitoires, ou du défaut des qualités promises, doit être intentée, à peine de déchéance, pour les choses immobilières, dans un délai de deux années à compter de la date de la délivrance et, dans tous les cas, dans un délai de cinq années à compter de la date de conclusion du contrat de vente. Le reste des dispositions de l’article 573 du DOC demeurant inchangées”, poursuit le Pr Benis.
Quid de l’impact de ce nouveau délai d’action en matière immobilière sur les droits de l’acheteur ?
Selon le Pr Meriem Benis, “il convient d’indiquer, à titre liminaire, que la garantie des vices cachés ne peut être efficacement mise en œuvre que si trois conditions sont réunies. D’une part, la chose vendue doit être affectée d’un vice inhérent à la chose (défaut affectant la chose tel un défaut de conception ou de fabrication), la rendant impropre à l’usage auquel elle est destinée ou diminuant l’usage de celle-ci. En deuxième lieu, le vice doit être caché et inconnu de l’acheteur et, enfin, il se doit d’être antérieur à la conclusion de la vente”.
“Dès lors que ces trois conditions sont réunies, la garantie peut valablement être actionnée par l’acheteur, sous réserve de respecter les délais légaux prescrits, à peine de déchéance. Le délai d’action prescrit désormais pour les choses immobilières impose à l’acheteur soucieux de démontrer le vice caché d’ester en justice, non plus dans un délai de 365 jours à compter de la date de délivrance, mais dans un délai de deux années à compter de la date de délivrance de la chose vendue et, dans tous les cas, dans un délai de cinq années à compter de la date de conclusion du contrat de vente. Ces dispositions répondent, à mon sens, favorablement à la protection des intérêts de l’acheteur”, estime l’universitaire.
Et d’ajouter : “Il est fréquent que l’acheteur ne puisse prendre connaissance du vice qu’après avoir eu recours aux services d’un expert dont le rapport constitue le point de départ de la prescription et, dans un nombre non négligeable de cas, la découverte du vice est proche dans le temps, de la livraison de la chose. Le point de départ du délai de deux ans doit donc se situer au jour de la découverte du vice par l’acheteur, ce qui en pratique correspond souvent au dépôt du rapport d’expertise. D’ailleurs, il s’agit selon toute vraisemblance d’un délai préfix dont l’objet est d’inciter l’acheteur à l’action, c’est-à-dire de le pousser à manifester la plus grande diligence”.
Le Pr Benis précise même que “le législateur a aligné le délai de deux ans prévu en matière de droit commun sur celui prévu sur le fondement des dispositions de l’article 65 de la loi 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur, selon lequel « toute action en justice, découlant des défauts nécessitant la garantie ou du fait que l’objet vendu et dépourvu des qualités promises, doit être intentée et sous peine de forclusion, dans un délai de deux ans après la livraison, pour les immeubles. Ces délais ne peuvent être réduits par accord entre les contractants ». Lorsque le recours n’est pas exercé dans le délai impératif des deux années évoquées, la forclusion joue contre l’acquéreur qui n’est plus en mesure d’ester en justice pour faire valablement reconnaître son droit et donc bénéficier du jeu de la garantie. Il se trouve donc de plein droit déchu d’un droit qui n’a pas été exercé dans les délais légaux prescrits”.
Selon notre interlocutrice, “l’action de l’acheteur, en vertu des nouvelles dispositions, se trouve également soumise à la prescription applicable au contrat de vente. L’application de la prescription de droit commun se justifie par le fait que celle-ci n’a pas le même point de départ que celle de la garantie. On fait courir la première à partir de la vente, alors que le délai de deux ans de la garantie court à partir de la délivrance de la chose”.
Nullité pour erreur ou garantie de conformité : deux fondements pour agir
“Le législateur marocain a donc entendu ouvrir, à travers les dispositions susmentionnées, le droit à l’acheteur d’agir contre le vendeur, sur un fondement autre que celui de la garantie des vices cachés. L’acheteur peut ainsi exercer des voies de droit lui permettant d’agir sur le fondement de la nullité pour erreur, ou d’agir sur le fondement de la garantie de conformité s’il est consommateur. C’est en ce sens que le délai de cinq ans, suivant la conclusion du contrat, a été instauré”, explique l’universitaire.
Selon elle, “lorsque le vice caché coïncide avec un vice du consentement ou avec un défaut de conformité, l’acheteur sera enclin à exercer, plutôt que l’action en garantie des vices, l’action en nullité pour vice de consentement, ou l’action en résolution ou en responsabilité pour défaut de conformité. Le délai de cinq ans va donc concerner tous les cas de nullité relative, étant précisé que la nullité relative se prescrit du reste au bout de cinq ans. Le délai de cinq ans vise donc les contrats dont le consentement a été vicié par dol, erreur, violence ou lésion”.
Pour le Pr Benis, “c’est certainement dans un souci de prévisibilité pour les parties que le point de départ de la prescription de droit commun a été fixé, en matière contractuelle, au jour de la conclusion du contrat, et donc de la vente. Il a certainement paru au législateur marocain plus raisonnable d’enfermer la responsabilité du vendeur dans un délai précis courant à compter de la vente ou de la délivrance de la chose”.
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